COMPOSTELLE (chemins de)
L'année 2004 a été particulièrement importante pour rappeler à l'Europe entière, que le pèlerinage de Saint-Jacques est toujours aussi vivant qu'il y a plus de mille ans. C'était l'année jacquaire, l'année du Jubilé, celle de la remise des péchés.
Histoire et légende Tout a commencé avec le fils de Zébédée, Jacques, frère de Jean l'Évangéliste, pêcheur en Galilée, premier disciple et ami de Jésus qu'il suivra jusque sur le Golgotha. Devenu l’un des principaux propagandistes des paroles du Christ, sous le nom de Jacques le Majeur dit
Boanergès (Fils du Tonnerre), à cause de son tempérament impétueux, il viendra évangéliser l'Espagne. Revenu en Galilée, il sera mis à mort par Hérode. La légende veut que ses disciples l'aient mis dans une barque, qui, guidée par les anges, serait arrivée en Galice. Là, ils l'auraient inhumé. Toujours selon la légende, vers 830, un ermite du nom de Pelage aurait eu en songe, la révélation du lieu de la sépulture de l'apôtre saint Jacques. Accompagné par l'évêque Théodomir et dirigé par une étoile brillante, il découvrit la sépulture, qui, pour lui, ne pouvait n'être que celle du martyr. Aussitôt, la foi populaire s'appropria l'histoire et « l’empereur de l’Espagne »,
Alfonso VI, construisit une magnifique cathédrale pour y recevoir les reliques du saint et les nombreux pèlerins qui ne cessaient d'affluer. C’était à l’époque du Cid. Le lieu prendra le nom de
Champ de l'étoile ou
Campus Stellae : Compostelle.
Précisions historiques Si l'importance des pèlerinages vers Compostelle a été si prépondérante dès la découverte du tombeau, c'est que la chrétienté se sentait alors menacée dans son existence. Une partie de l'Espagne était occupée par les musulmans et les pèlerinages vers Jérusalem devenaient de plus en plus difficiles. Tout chrétien ne pouvait se transformer en croisé. Il manquait un pôle à la manifestation de la foi chrétienne. Compostelle a vite repris le flambeau de Jérusalem. Situé en terre de mission pour la
Reconquista, tous les regards se sont tournés vers ce site exceptionnel, où le héros de l'Espagne était enterré. Et pour affirmer le rôle du saint dans la reconquête chrétienne, Dieu demanda à Jacques d'apparaître dans le ciel, chevauchant, une épée à la main, lors de la bataille de Clavijo en 844 contre les Sarrasins. La déroute des musulmans fut assurée et la popularité de saint Jacques, devenu le Matamore (
mata Moros, tueur de Maures) affirmée. Il devint tout naturellement le saint patron de l'Espagne. Et c'est au cri de
Santiago que la Reconquête fut menée à son terme ; comme plus tard, la conquête des Amériques. Compostelle ne pouvait être qu'un lieu protégé de Dieu, un lieu sacré d'où devaient partir toutes les conquêtes de la Foi.
Les grands groupes monastiques, les rois et les ordres chevaleresques sauront donner toute l'impulsion nécessaire au cours des siècles, afin que cette aventure humaine, sans précédent, devienne le parangon de la Foi chrétienne et la référence de l'abnégation dans l'effort, pour le simple amour de Dieu. Les
Jacquets seront considérés, admirés et respectés dans leur village ou dans leur ville, plus que les
Romieux, allant sur les tombes de saint Pierre et de saint Paul à Rome. Un peu comme chez les musulmans, les
hadjs qui reviennent de La Mecque. Ils formeront de véritables et puissantes confréries à travers l'Europe.
L'organisation des pèlerinages Très tôt, l'ordre bénédictin de l'abbaye de Cluny multipliera les monastères, hôpitaux et maisons filiales. Il en sera de même avec l'Ordre des Chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem (Ordre de Malte), les rois et les princes d'Europe qui, tout au long des chemins, multiplieront hospices (genre de gîtes pour pèlerins), chapelles et maisons fortes.
L'un des plus grands hospices construit dans les Pyrénées, en 1100, fut l'hospice Sainte-Christine au Somport. On le doit à Gaston IV. Il a aujourd’hui disparu. En fait, il reste quelques ruines noyées au milieu des immeubles de la station de Candanchú. Le second plus important se trouve à Roncevaux ; il vient d’être rénové. Gaston IV s'est personnellement investi dans la construction et la gestion des hospices sur le chemin de Compostelle afin que son autorité ne soit pas entamée par le puissant Ordre de Cluny.
En 1120, Turpin, archevêque de Reims, diffusera le
Livre des miracles où seront inventoriés tous les miracles attribués au saint martyr. Il sera suivi par le
Codex Calixtinus, code liturgique pour la réussite d'un bon pèlerinage, et surtout en 1140, par le
Guide du Pèlerin d'Aimery Picard. Véritable guide du voyageur où sont décrites toutes les bonnes adresses, les bons plans et les coups fourrés. Un guide du Routard avant la lettre. Son influence fut considérable. Compostelle devint une destination incontournable dans la vie d'un chrétien. Durant des siècles, des centaines de milliers de marcheurs de toute l'Europe se succéderont sur les différents chemins. L'essor économique des régions traversées deviendra si important, qu'après les artisans de tous les corps de métier, les marchands et les commerçants attirés par une telle clientèle, ce sera le tour des bandits ou
coquillards, de prendre la route pour Santiago.
L'équipement L'équipement du pèlerin a presque été codifié dès le début des longues marches. Il n'était pas bien difficile de reconnaître un Jacquet. Comme sur les effigies de Saint-Roch (1) qui ponctuaient la moindre chapelle, il était vêtu de bonnes chaussures, d'un chapeau à larges bords, d'un grand manteau protégé par une esclavine souvent doublée de cuir. Il tenait à la main un grand bâton ou bourdon pour servir d'appui et se défendre. Sur ce bourdon, il attachait sa gourde calebasse. Il portait en bandoulière sa besace en peau où il mettait son pain et ses documents de recommandations bien fermés dans une boîte hermétique. Souvent, un chien, compagnon de route, l'accompagnait. Au retour de son périple, il accrochait sa récompense, simple coquillage ramassé sur la plage, sur son bourdon ou sur son chapeau. Plus tard, les bandits porteront aussi cet emblème afin de tromper leurs victimes. D’où leur nom :
coquillards.
(1) Romieux, protecteur des pèlerins et des pestiférés.
L'évolution du pèlerinage à travers les siècles Les heures de gloire des chemins de
Santiago, où toutes les couches de la société d'Europe affluèrent à Compostelle, princes et rois en tête, s’étalèrent entre le XIII
e et le XIV
e siècle. La guerre de Cent Ans, qui dura en fait près de 300 ans (1137-1453), perturba les candidats potentiels. Après, ce furent surtout les guerres de Religion et l'arrivée des
coquillards attirés par ses périodes troubles, qui contribuèrent au déclin. En Béarn, de nombreuses églises et abbayes recevant des pèlerins furent dévastées par les troupes de Jeanne d'Albret. La Révolution française mit pratiquement un terme à cette coutume. Puis, petit à petit, l'engouement pour Saint-Jacques pour des raisons diverses, reprit vie, pour devenir depuis une décennie, un véritable phénomène de société. L'année 2004, année jubilaire, a été une date phare dans ce renouveau. Près de 179 000 pèlerins et visiteurs se sont rendus à pied à Saint-Jacques. Les Français représentant entre 10 et 15 % de ceux-ci. On compte environ sur 150 000 pèlerins en 2005. Ces chiffres ne tiennent pas compte des pèlerins et touristes motorisés qui sont plusieurs millions.
Précisions historiques On appelle année jacquaire qui est également jubilaire, celle dont la fête de la Saint-Jacques (25 juillet), tombe un dimanche. Après 2004 il y aura 2010, 2021…
Les différents chemins Pendant des siècles, de toute l'Europe, des pèlerins ou Jacquets ont afflué à
Compostela. Ils utilisaient le plus souvent d'anciennes voies romaines ou commerciales. Certaines sont toujours utilisées grâce à l'action énergique de la Fédération française de la randonnée pédestre (FF
RP).
Parmi les voies françaises, on distingue :
- La route du Vézelay ou
limousine venant de Bourgogne. C’est la principale voie en Soule.
- La route du Puy-en-Velay.
- La route de Paris ou
voie de Tours. - Et la route d'Arles ou
via Tolosana. Elle a été tracée par les pèlerins venant du sud de la France. De la frontière italienne (Menton) ou de Briançon. Elle traverse le Haut-Béarn pour arriver au col du Somport (
Summus Portus) distant de 800 km de Compostelle.
Même si les trois premières routes passent par Saint-Jean-Pied- de-Port et le col de Roncevaux (1 430 m) pour franchir la frontière, toutes ces routes se rejoignent à Puente la Reina.
Borne jacquaire. Photo J. Omnès
De nombreuses voies transversales permettent d'accéder d'une route à l'autre.
Le chemin principal de liaison s'appelle
Oberstrasse.
Les Voies du Vézelay (limousine) et du Puy.
La Soule est traversée par la première voie : la voie limousine. Elle permet de rejoindre Saint-Jacques au départ du Vézelay, en passant par la Soulepar Osserain, Ainharp, Cheraute (Mauléon), Pagolle et Ordiarp, plus au sud. Elle rejoint la voie du Puy à Ostabat ou à Saint-Jean-Pied-de-Port. Cette voie est actuellement balisée par les Amis de Saint-Jacques et fait l'objet d'une étude du Cdrp64 pour pouvoir la classer en G.R.®. Une voie secondaire remontait la vallée de la Soule et passait par le port de Larrau, proche de Sainte-Engrâce.
Pour recevoir et aider ces pèlerins, la Soule abritait trois commanderies : celle de Berraute (actuel cimetière de Mauléon), de l’Hôpital Saint Blaise pour les pèlerins venant de Navarrenx et celle d’Ordiarp (près de la route de Garaibie) qui appartenait à l’abbaye de Roncevaux.
Ainharp et Pagolle possédaient un important prieuré-hôpital.
À l’est, la voie du Puy, longe la Soule, elle passe par Arzacq, Arthez-de-Béarn, Sauvelade, Navarrenx, Château Mongaston (Charre), Ostabat en Basse-Navarre. Elle correspond au GR®65.
Les documents Il ne faut pas confondre le
Credencialet la
Compostela. Le premier document, couramment appelé passeport du pèlerin, est à présenter aux "
hébergeurs" officiels tant en France qu'en Espagne. Les auberges françaises, à la différence des espagnoles, ne l'exigent pas toujours. Il vous est remis par les associations jacquaires ou sur certains sites religieux, le matin après la messe des pèlerins, comme la célèbre cathédrale du Puy-en-Velay. Il est impossible d'obtenir une
Credencial après la ville de Sarria.
La
Compostela par contre est le document officialisant votre arrivée de pèlerin religieux à Saint-Jacques après avoir effectué à pied, au moins les cent derniers km (deux cents en vélo ou à cheval). La vérification se fait à partir des cachets obtenus sur la C
redencial.
Ce document est rédigé en latin ; il s'obtient à la
Oficina del peregrino à votre arrivée.
Les adresses Mauléon ne possède pas de relais jacquaire, mais les Jacquets peuvent s’adresser au presbytère. Aroue possède un relais jacquaire communal.
Nombreux sont les organismes et les associations qui gravitent autour du pèlerinage de Compostelle.
Quelques adresses :
- La Société française des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle, la plus ancienne des associations jacquaires (1950) 8, rue des Canettes 75006 Paris. ' 01-43-54-32-90 ¿
www.compostelle.asso.fr ¿
secretariat@compostelle.asso.fr ¿ Site avec entrée musicale, un peu difficile à lire : lettres brunes sur fond brun clair. Permanences les mardis, mercredis, et jeudis de 14 h 30 à 18 h 30. L’association propose régulièrement des conférences.
- L'Association de coopération interrégionale des chemins de Saint-Jacques de Compostelle. ¿
www.chemins-de-compostelle.com ¿
Un livre parmi tant d'autres :
Passants de Compostelle de Jean-Claude Bourlès. Éd. Payot, collection Voyageurs, 1999. Suite d'entretiens de l'auteur, spécialiste des chemins de Saint-Jacques avec les témoins privilégiés : les pèlerins, les aubergistes, les religieux, commerçants… L'auteur a consacré deux ouvrages sur le phénomène de ce pèlerinage de 1 600 km :
Retour à Conques et
Le Grand Chemin de Compostelle. Même éditeur.
Un numéro de téléphone assistance aux pèlerins en Espagne (Navarre) : (00-34)-848-420-430.